Probabilité de chance de risque = 100% puissance quatre

Probabilité que tout se passe bien = zéro.

"Reader, I think proper, before we proceed any farther together, to acquaint thee, that I intend to digress, through this whole history, as often as I see occasion."

Henry Fielding, Tom Jones

jeudi 9 avril 2009


Dans la peau d’une boule de bowling en teck un samedi après-midi au Looping, bowling restaurant de Los Angeles


C’est reparti. 3 doigts suants s’infiltrent en moi et se fraient un chemin. Une fois la prise assurée, je suis brandie, agitée, et balancée sans vergogne.

Et c’est reparti….Je vire et virevolte à toute allure. Un roulé-boulé m’envoie contre une rangée de quilles, aussi raides que je suis ronde.

Et ce n’est pas fini… Je dégringole et me fracasse, fait un tour de passe-passe, et réapparait, crachotante, au bruit et à la fureur de cette salle, aux néons hurleurs et aux couples agitateurs.

Une pause, un break, un Kit Kat…N’importe quoi pour me sortir de là….De cette violence que l’on me fait, chaque jour, chaque soir, sans cesse. De ces hommes qui me saisissent de leurs mains trop rudes, de ces femmes qui me laissent tomber en gloussant de coquetterie, de ces êtres tapageurs qui, chaque  jour, chaque soir, mettent le feu aux boules.

Pourquoi ai-je atterri là ? Mystère et boule de teck…J’aurais aimé être une boule de pétanque, pour la bonne planque. Une boule de billard, pour les soirées en costard. Une boule de cristal, pour me faire la malle. Mais surtout une boule ronde, polie, sans orifices.

Les orifices sont à la boule de bowling  ce que le talon était à Achille : son point faible. Si j’étais polie, ah, qu’il serait facile de perdre la boule. Je glisserais, lourde, ronde, placide, telle la pèche du gros James, et nul ne pourrait me saisir, personne ne pourrait m’arrêter. Mais les trois orifices percés en moi sont ma croix : ils m’emprisonnent. Ils m’empêchent de fuir le Looping, bowling restaurant de Los Angeles.

Et c’est reparti…A peine ai-je eu le temps de souffler qu’arrive celui que je redoute et espère à la fois. Cet homme, trop grand, trop solitaire  pour être tendre. Chaque soir il vient. Chaque soir, il m’appelle ma belle, ma chérie, ma favorite. Il me dit des paroles tendres, que je suis sa boule de chance, sa bonne étoile,  son usine à strikes. Il me prend à la rude et à l’œillade. Il me vernit de sa salive. Il me mouline au bout du bras. Et il me m’envoie valser le long de la rampe.

Chaque soir je me dis que ne tiendrai pas un jeu de plus. Qu’il est bien trop fort et vigoureux pour moi. Et secrètement je l’espère. Secrètement je souhaite qu’il me casse.. Je souhaite qu’il me fissure, qu’il me fracasse, qu’il me terrasse et que je trépasse.

C’est reparti. Je suis lancée…Je glisse….Les quilles avancent vers moi, menaçantes, une armée de vestales au cou enrubanné. Elles avancent toujours plus vite….plus vite….Le vent siffle à mes côtés…Les lumières s’estompent….Ma vue se brouille….Je prie…Je prie pour que ce soit mon dernier tour de piste.

Bâle 

5 commentaires:

  1. Cracile, 12 ans.9 avril 2009 à 11:55

    Mais elle meurt à la fin ou pas ?

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  2. Anne de Chochasse9 avril 2009 à 14:47

    Hey !! t'aurais trop pu faire un jeu de mot avec Laboule de Fort Boyart !!!!

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  3. Pardonnez-moi mais... ce n'est pas en crystal de Murano une boule de bowling ? parce que le teck, c'est pour les salons de jardin, sur les terrasses... ça me bouleverse, pourvez-vous me répondre ?

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  4. "Voilà,
    C'est le bateau
    Qui va à Burano
    Vers les murs colorés."

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  5. Tombeur de quilles9 avril 2009 à 19:14

    Moi je le vis plutôt bien de faire tomber les quilles. Elles ne me résistent pas.

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